Le bi’au Pérou

En me rendant au Pérou, j’avais en tête la mainmise sur l’Amérique Latine des géants comme Monsanto. Je pensais par conséquent ne trouver, en grande surface comme au marché, que des fruits et légumes gorgés de pesticides, et des OGM.

J’ai donc été extrêmement surprise en apprenant qu’au Pérou, les Organismes Génétiquement Modifiés étaient interdits par par une loi effectivement appliquée depuis fin 2012.

Dans ce cadre, et tenant compte du fait que la surface agricole s’étend sur presque 20% du territoire péruvien, je trouvais que la question du bio était tout-à-fait pertinente, et j’ai voulu l’explorer plus en profondeur.

Il faut savoir que le Pérou est un pays aux sols très riches, ce qui a pour conséquence son statut d’exportateur de matières premières. Le café, le cacao, les fruits et les céréales y sont exportés en grandes quantités et vendus aux pays d’Amérique du Nord et d’Europe.

Conséquence d’un illogisme frisant le ridicule, alors que tout cela est produit sur place, la population doit très souvent se résoudre à consommer « les restes », c’est-à-dire des produits de très basse qualité, ceux de qualité supérieure étant destinés à l’exportation.

Les acteurs liés au réseau agricole sont néanmoins de plus en plus nombreux à se positionner en opposition à ce mode de fonctionnent.

J’ai en effet découvert l’existence de tout un réseau de personnes convaincues que produire et consommer bio est une des clefs d’un mode de vie à la fois sain et écologique, mais également l’opportunité d’encourager les petits producteurs locaux, et donc de se positionner contre les géants exportateurs. Par ce biais, produire ou consommer bio devient par conséquent un acte social, puisque cela signifie également encourager un commerce plus équitable.

Bon pour la santé et bon pour la planète

Bien que ça soit en train de changer, la conscience environnementale n’est pas encore très développée au Pérou. La raison pour laquelle les produits bio sont de plus en plus proposés n’est donc pas la réponse à une demande. En réalité, cela vient plutôt du fait que les producteurs et les revendeurs possèdent, eux, une conscience environnementale déjà développée, et désirent montrer l’exemple pour mieux faire connaître ces alternatives de consommation, à la fois saines et écologiques.

« Je me consacre aux produits bio parce que je pense que c’est très important pour la santé », dit Anita Violeta Fernandez, une cultivatrice d’Arequipa. « Je pense que cultiver des produits bio est aussi bon du point de vue de l’environnement ; c’est par ce biais que l’on peut prendre soin de notre planète. »

Milagros Zuñiga, propriétaire de Qura, un bistrot proposant de la nourriture à base de produits biologiques, est du même avis :

« Deux choses nous importent particulièrement : d’abord, qu’en aucun cas, nos produits n’aient été exposés aux pesticides ou transformés chimiquement, de quelque manière que ce soit, et ensuite, d’être responsables vis-à-vis de l’environnement. Par exemple, nous essayons de ne pas utiliser beaucoup de plastiques, et de nous servir de matériaux recyclés, ainsi que de pratiquer le tri sélectif nous-mêmes. »

L’agriculture locale encouragée et protégée

« Il est très connu, ici au Pérou, que le secteur agricole est laissé de côté. C’est un secteur très pauvre » explique Robert, fondateur de Soul Cafe, un établissement servant du café bio.

La culture de produits biologiques est donc aussi une opportunité de soutenir les producteurs locaux, comme en témoigne Norma Sotta, Directrice des Projets dans l’ONG El Taller, qui mène des projets de développement solidaires et durables. Elle nous parle d’un de ces projets, les marchés Verde Thani, où sont vendus des produits biologiques et locaux :

« Nous avons des produits provenant de la région d’Arequipa exclusivement. Nous travaillons avec des petits producteurs, possédant des parcelles familiales et certifiées bio. (…) Nous voulons que ces petits producteurs puissent, grâce à nous, vendre leurs produits directement aux consommateurs. »

Ce qui permet, par la suppression des intermédiaires, l’établissement d’un prix équitable.

« L’aspect « commerce équitable » se trouve dans le fait que ce sont les producteurs qui fixent leurs prix, et non pas les consommateurs, ce qui garantit un plus juste prix, et donc la satisfaction du producteur », explique Lizbeth de la Cruz, propriétaire des magasins bio Doorganic, basés à Arequipa.

Le bio, un(e) mode de production et d’alimentation qui marche !

L’atout principal d’Arequipa et des producteurs bio, c’est le tourisme. Les Européens et les Nord-Américains y sont nombreux, et ils constituent en général une clientèle de choix pour ces producteurs et revendeurs. Cette première clientèle permet donc aux établissements proposant du bio de se faire une place à Arequipa, afin de pouvoir toucher plus de populations locales, une clientèle nouvelle qui ne cesse de croitre. En effet, pour des raisons de santé, ou pour respecter une nouvelle éthique plus écologiste, les populations locales, issues de tous milieux, fréquentent les lieux de vente des produits bio, comme les boutiques Doorganic de Lizbeth de la Cruz.

« Des gens de tous les milieux sociaux et économiques achètent nos produits. Je voudrais que nos produits soient accessibles à chacun, que tous puissent ramener quelque chose chez eux. »

En même temps que le nombre de clients, et la conscience environnementale ce sont les gammes de produits qui augmentent.

« Quand on a commencé, il y a 5 ans, les produits proposés n’étaient que très peu. On avait quelque chose comme une dizaine de marques. Aujourd’hui, on est proches de la centaine », explique Lizbeth.

Les produits biologiques sont donc, chez l’offre comme chez la demande, en train d’augmenter, ce qui permet la propagation d’une conscience environnementale à travers la population péruvienne. Et, qui sait ? Les prochains consommateurs sont sans doute ceux qui pourront très bientôt enseigner à leurs proches les bienfaits d’une consommation et d’une production sans pesticide ni produit chimique.

 

 

Sources :

Banque mondiale

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